PARADIS
Le 24 septembre 2021, sur Contes des HÉ-VEILLEURS

Deux soeurs s'aimaient tendrement. Mais les circonstances, souvent cruelles, de la vie faisaient que, jamais, elles ne pouvaient exprimer l'affection qui les animait. L'une s'appelait Feu et l'autre, Eau. Comment jouer, rire et enlacer un être cher quand on risque de le réduire à néant en une seule embrassade ? L'Eau éteint le Feu et aux âmes bien nées parfois le sort réserve bien des malheurs. Mais celui-ci était si démesuré qu'il était bien difficile de lutter contre une telle adversité. De guerre lasse Feu, un jour, décida de déjouer le destin et pendant qu'Eau dormait profondément, elle l'embrassa doucement sur la joue. Elle savait que ce serait le premier et le dernier baiser qu'elle lui donnerait, pour cela, il avait un goût d'éternité.  

La brûlure sur sa joue réveilla brusquement Eau et voyant le visage de sa soeur au-dessus d'elle, comprit aussitôt ce qui venait de se passer. Poussant un grand cri, elle se recula vivement mais le mal était déjà fait et Feu disparut dans un tourbillon de vapeur.

Dévorée de chagrin et de culpabilité, Eau versa toutes les larmes de son corps et ses pleurs commencèrent à provoquer d'énormes inondations, faisant déborder les fleuves, créant des tornades qui dévastaient tout sur leur passage. Les terres étaient submergées et les habitants tentaient vainement de se réfugier au sommet des montagnes mais un déluge d'eau les rattrapait les condamnant à un exil sans fin. 

Comment déjouer la fatalité ? Le roi réunit autour de lui tous les sages de la cité espérant que l'un d'entre eux trouve une solution pour arrêter la tragédie. Mais c'est lui qui dans une fulgurance soudaine déclara : "Faisons une offrande à chaque être vivant de notre chère planète et Eau rejoindra définitivement le lit d'une rivière". Toute l'assemblée loua le talent du souverain, qui accepta bien volontiers les hommages dus à son rang. Restait juste à élaborer un plan fiable et efficace. 

Nul n'avait osé demander en quoi consistait l'offrande en question, le roi demeurant muet sur ce sujet. Comment honorer avec justesse une vache paissant tranquillement dans un pré et une abeille butinant d'une fleur à une autre ? Très vite, la tâche se révéla harassante et les séides du roi rentraient fourbus et exténués dans leur demeure. La déraison l'emportait sur l'intelligence. L'affaire devenait épineuse et les esprits s'échauffaient. Le remède étant pire que le mal, comment sortir de ce mauvais pas ? D'autant plus que les intempéries redoublaient d'intensité. 

Or, pendant que tous débattaient autour de solutions plus réalistes, des enfants décidèrent de créer un grand feu de joie, souvenir d'un monde révolu. Rassemblant brindilles, branchages et petits fagots, ils firent une belle flambée qui ne cessa de grandir jusqu'à atteindre la voûte du ciel. Eau, qui toujours se morfondait suite à la disparition de sa soeur, aperçut au loin un brasier qui rougeoyait au plus profond d'une forêt. Était-ce le retour de Feu ? Rassemblant ses forces, elle se transforma en douce bruine pour survoler le lieu de son espérance.

Feu était là et dansait dans le vent, calquant son rythme sur celui des enfants qui riaient aux éclats. Aussitôt, Eau se mêla à eux, faisant tomber au milieu de leur cercle des milliers de gouttelettes, comme autant de diamants étincelants pouvant chasser la nuit. Si froide, si obscure. 

Le fléau cessa brusquement et le bonheur des jours revint, tranquille, serein. Dès le départ, la solution était fort simple, encore fallait-il y penser : il suffisait d'écouter les cœurs purs parce que, eux seuls, connaissent les secrets du paradis.

 

COMMENTAIRE

Notre civilisation est devenue hors-sol, totalement coupée des réalités de la nature. Plus on tente de sortir du cercle infernal des difficultés et plus on les aggrave ! On ne guérit pas un système en mettant en place un nouveau système, pire que le précédent ! C'est bien ce que ce conte explique : tant qu'on reste dans des solutions horizontales, on n'aboutira à rien. Par contre, si on emprunte le chemin de la verticalité, on pourra réussir à sortir de nos limitations. Qu'est-ce qu'un "cœur pur" ? C'est une personne qui a gardé suffisamment de bon sens et de discernement pour ne pas céder aux sirènes de l'illusion et de la propagande. Quant au "paradis", il comprend quatre niveaux de conscience, le dernier étant la capacité originelle de tout être de se relier facilement au Feu de l'Esprit.     

 

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