Le fils parle :
" Quittant le sein protecteur de la Vache Sacrée, je suis descendu dans le long boyau qui mène au pays du soleil mort. Les Mânes des Grands Ancêtres m'ont exhorté à garder le silence et ont scellé mes lèvres avec du bitume, aussi sombre que la nuit. A la deuxième heure, les épis de blé ont ceint ma tête mais vaine protection ! Car je devrai affronter les Massacreurs, les mauvais génies de l'ombre. Pourtant, une seule flèche de mon arc les a fait fuir car mon cœur est demeuré pur. J'ai pu boire à la coupe amère mais ce breuvage m'a paru délicieux aussi suave que le lait de ma mère. Au fond des abysses, ne suis je pas en train de renaître ?
Je suis monté dans la barque du disque solaire mais les serpents noirs à tête chevelue ont tenté de me faire plonger dans les eaux saumâtres du renoncement. O combien la voie est étroite et terrifiante ! Mais la plume de Justice, d'un seul battement, a déjoué le plan ourdi par les Ténèbres.
Devant moi deux piliers : tout retour est impossible. Je dois affronter ma propre mort. Les fils du vent, poussant ma barque toujours plus loin, me redonnent espoir car ils m'entraînent vers un nouveau rivage, celui où tout disparaît hormis la fluidité de l'eau. Un temps suspendu mais transitoire et trompeur ! Car bientôt apparaît le Dragon cracheur du feu dévoreur, destructeur de toute vie. Je ne dois pas fléchir sinon les créatures de l'ombre, de leurs griffes acérées, déchiquetteront ma peau et mes viscères.
Je prie les douze étoiles et elles me répondent puisque la porte s'ouvre enfin ! Tout reverdit ! Je me crois sauvé car les laboureurs me donnent quelques grains de grenade pour étancher ma soif. Mais une dernière épreuve m'attend, celle des feux de l'illusion qui désormais jalonneront ma route. Une brise légère va les éteindre car les étoiles infatigables ont fait de moi un Aker ! Un maître du temps !"