Par une nuit sans lune, une jeune princesse décida de sortir de son palais protégé, pour courir le vaste monde. Tout autour d'elle, régnaient des ténèbres lourdes et mystérieuses. Un léger brouillard s'effilochait en longs rubans blanchâtres, au fur et à mesure qu'elle se déplaçait. Pourtant, malgré son errance, elle n'éprouvait ni peur ni remords.
La fugitive savait, qu'au petit matin, des gardes seraient lancés à sa recherche. Cependant, elle avait l'étrange impression d'être devenue invisible et que, jamais, ils ne pourraient la rattraper. Bientôt, elle se retrouva dans une forêt silencieuse où elle n'entendait guère que le bruit de ses pas sur des brindilles sèches. Nul murmure du vent, nul chant d'oiseau ne venaient interrompre son périple nocturne. Était - elle en train de rêver ? Vu le froid qui venait de la saisir, elle ne pouvait douter de la réalité de son aventure. Bizarrement, elle se sentait heureuse pour la première fois de sa vie. Et, vraiment libre.
Certes, dans son palais doré, elle ne manquait de rien et avait mené, jusqu'à présent, une existence confortable et satisfaisante. Mais, au fil des jours, quelque chose vint à lui manquer : quelque chose surgi du plus profond de son être, qui finissait par la plonger dans une profonde nostalgie. Combien de fois avait - elle regretté le doux temps de son enfance où rien n'était grave et ne portait à conséquence! En grandissant, la princesse fut de plus en plus soumise aux devoirs de sa charge. Pour cette raison, elle avait projeté sa fuite afin de reconquérir sa liberté. Combien ce fut long, difficile et périlleux! En effet, à tous, elle devait montrer une parfaite égalité d'humeur, un équilibre constant, mais à l'intérieur d'elle, tout bouillonnait et explosait !
Elle attendait, avec impatience, le moment propice où elle pourrait se réfugier dans l'univers qu'elle avait projeté, un univers où elle pourrait revivre, éternellement, les délicieux instants à jamais révolus. Et il finit par arriver ce moment tant espéré. Par inadvertance, une nuit, la porte du palais était demeurée ouverte et le gardien s'était assoupi. Tout concourrait à l'exécution de son projet, alors la princesse franchit le seuil, sans espoir de retour.
Songeant, de nouveau, à son passé, la jeune femme fut tirée brusquement de sa torpeur. Un froid vif la saisit et d'intenses frissons parcoururent tout son corps. Elle décida de regagner le palais, réalisant soudain qu'elle venait de commettre l'irréparable. Elle fit le tour de l'édifice, mais grande fut sa stupéfaction! Il n'y avait plus aucun passage pour y pénétrer ! Juste de hautes murailles infranchissables qu'elle ne pouvait traverser ! Elle aurait bien tambouriné à une porte, mais comment faire quand il n'y a plus de porte? Elle se mit à crier, mais seul l'écho de sa propre voix lui répondit.
La princesse, pourtant, ne fut ni triste, ni chagrinée de ne pouvoir rejoindre le monde si oppressant de la réalité. Sans hésitation, elle retourna dans la profondeur de la forêt où l'attendaient les mousses, les fougères et les fleurs qu'elle pourrait cueillir à profusion.
Au petit matin, des gardes la retrouvèrent recroquevillée sous un arbre. Elle était profondément endormie et nul ne put la réveiller. Quelle importance ? Là où elle vivait maintenant, elle ne connaîtrait plus jamais les affres de la décrépitude et de la mort. Cependant, tous se demandaient pourquoi elle paraissait si paisible et sereine : elle seule, désormais, pouvait contempler le sourire des Anges.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une famille dont un des membres est atteint de la maladie d'Alzheimer. On ne peut, évidemment, assurer de la guérison. On peut juste donner une autre vision de la maladie.
PISTE DE REFLEXION
La spiritualité ne promet jamais la guérison mais toujours la transcendance. Pourquoi la souffrance est-elle nécessaire ? Quand peut-elle s'arrêter ? Et comment ? Il y a une certaine continuité avec le conte précédent ("Le passage").
ITALIE (Photo de l'auteure).