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Un jour, un homme tomba follement amoureux d'une femme à la beauté incandescente. Si belle, que ses prétendants se bousculaient à sa fenêtre, espérant un sourire ou quémandant un regard, un seul. Mais rien de tout cela n'arrivait jamais car la jeune séductrice aimait par-dessus tout contempler son joli minois dans un miroir doré. Parfois, elle se moquait de ses amoureux transis en faisant entendre son rire clair et haut perché. Mais cela n'ôtait rien à la flamme des jouvenceaux qui rêvaient d'étreintes passionnées. Sans cesse ils revenaient, oubliant toute dignité et amour-propre.
L'un d'entre eux finit par retourner chez lui, ravagé par le désespoir. Cependant, dès le lendemain, aux premières lueurs de l'aube, il reprit la route et là, il en était sûr, il allait pouvoir ravir le cœur de sa belle. Il avait mis une fleur à son chapeau et une chemise couleur d'opale. Le vent bruissait dans les arbres et la rivière coulait, indifférente aux affres humaines. Tous les matins, le jeune homme longeait un jardin où une jeune fille s'activait à planter des fleurs aux parfums délicats. Il ne la voyait toujours que de dos mais après tout quelle importance, son âme chavirait déjà pour une autre !
Cependant, que de déceptions ! L'amour tant espéré s'enfuyait chaque jour un peu plus car l'enjôleuse s'amusait avec son parterre d'admirateurs, attirant l'un et repoussant l'autre. Le jeune homme finit par se lasser de ce jeu cruel. Malheureusement, ses sentiments l'emportaient toujours sur sa raison et il accepta encore et encore de se laisser abuser par les tendres œillades que, parfois, la belle lui lançait.
Le soir venu, il retournait dans sa demeure, parfois joyeux mais le plus souvent las et désabusé. A nouveau sur son chemin, il croisait la jeune fille qui œuvrait dans son jardin, penchée au dessus d'un rosier aux pétales ardents. Jamais il n'avait vu son visage et n'apercevait que sa magnifique chevelure couleur de lune. Intrigué par tant de constance, le jeune homme hâtait de moins en moins le pas et parfois même s'arrêtait à hauteur du jardin jusqu'à oublier sa quête première. Mais la jeune fille lui tournait obstinément le dos, travaillant sans relâche à améliorer son petit enclos.
Les jours s'étirèrent dans une lenteur infinie, un temps suspendu entre ciel et terre. Quelque chose se préparait et à l'heure où tout devint immobile les regards des deux jeunes gens se croisèrent enfin. Un sourire partagé au-delà des mots et pour toujours la vie cesse son combat. Admirable mystère de l'existence qui brode son tableau dans l'invisible, pouvant rendre l'homme esclave. Ou libre...
COMMENTAIRE
Vous pensez que ce conte est une histoire d'amour entre deux êtres ? Eh bien non ! Quelle est cette femme qui contemple son reflet dans un miroir ? La matière ! Elle n'est qu'illusion et il ne faut pas se fier à elle car, aussi aveuglante que le soleil, elle n'offre qu'une réalité tronquée ! Quant à la femme vue de dos, elle est le symbole de ce qui est caché et qu'on ne découvre qu'en étant immobile... Elle ne montre toujours que son dos, sa lune, je dirai plutôt "son cul"... Jeu de mots qui sous-entend : "son Luc", c'est-à-dire sa Lumière !!! Mais cette Lumière ne peut être que voilée car elle ne s'offre qu'à celui qui arrête le pas.
Alors qu'aujourd'hui nous avons une occasion inespérée de retrouver la Transcendance, voilà qu'on nous enlève cette grâce en nous agitant inutilement. En effet, "santé" en langue des oiseaux, peut se comprendre comme " sans T", ce qui signifie "sans Transcendance, sans Tranquillité" ! Ne tombons pas dans le piège d'un excès d'agitation et ainsi nous trouverons le chemin de la Vérité... Bonne Pentecôte à tous et toutes !!!
PHOTO : collection personnelle de Claude Monet, à Giverny.