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Devant les vastes plaines qui s'étendaient à perte du vue, l'homme éprouva une infinie tristesse : où était passé le monde qu'il chérissait ? Autrefois, la nature regorgeait d'une vie intense et tout resplendissait de la pierre du chemin jusqu'à l'arbre majestueux qui atteignait le ciel ! Une vie d'insouciance et de dur labeur partagée entre les fruits du verger et les moissons des champs ! Mais aujourd'hui, le feu dévorait tout sur son passage et il ne restait plus que quelques pousses chétives brûlées par un soleil torride. La poussière, soulevée par un vent ardent, empêchait l'homme de respirer convenablement. Courbé, éreinté, il s'avançait à petits pas mais sa détermination était sans faille.
Parti tôt le matin, il arpentait depuis les sentiers et les chemins de sa contrée et ce qu'il voyait alourdissait son cœur. Il avait emporté avec lui un petit baluchon et, de temps en temps, il s'arrêtait pour manger un morceau de pain ou prendre un peu de repos. Mais les arbres ne dispensaient plus leur ombre bienfaisante et le chant des oiseaux ne nourrissait plus les rêves des hommes. Alors, le voyageur fermait les yeux et se laissait emporter par son imagination. Il revivait cette époque si douce où les forêts regorgeaient de vies joyeuses et de mystères enivrants. Quand il revenait à lui, le désespoir le gagnait devant le spectacle des terres désolées, craquelées, car aucune pluie ne les abreuvait. Se relevant, l'homme eut l'impression que son baluchon était devenu plus lourd. Était-ce dû à la fatigue ou au chagrin ?
Il poursuivit sa route, cherchant vainement une parcelle de beauté mais elle était devenue insaisissable. Pourtant, courageusement, il continua d'avancer, sans vraiment savoir où il allait. A la nuit tombée, quand le ciel se remplissait d'étoiles, l'homme, subjugué, s'abreuvait jusqu'à plus soif de cette vision d'éternité. Et s'endormait, apaisé. Enfin l'univers tout entier l'accompagnait ! Dès l'aube, il se remettait en marche, espérant trouver une eau bien fraîche qui l'aurait désaltéré. Mais le lit des rivières était asséché et ne lui offrait aucune consolation. Fermant les yeux, il se remémorait le temps merveilleux où, poussant des cris de joie, les enfants se bousculaient le long des berges pour être les premiers à se baigner. Comme cette époque paraissait lointaine ! Était-ce sa soudaine nostalgie qui alourdissait son baluchon ? Son voyage alors lui parut vide de sens.
Parfois, il se prenait à respirer à pleins poumons, espérant déceler un parfum de rose ou de jasmin qui lui rappellerait des printemps enchanteurs. Mais ses narines ne se remplissaient que de cendres à l'odeur de mort. Ah ! Combien le fardeau sur son dos devenait alors de plus en plus pesant !
Pourtant, un jour, au détour d'un chemin, il entendit des cris perçants et demeura interdit. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait croisé âme qui vive qu'il pensait être seul au monde ! Près d'un puits une femme pleurait à chaudes larmes. Apercevant l'inconnu qui se dirigeait vers elle, elle l'apostropha :
"Qui sauvera mes enfants alors que les puits sont à sec et les greniers remplis de rats ? Comment allons nous survivre dans ce monde d'effroi et de solitude ? Je me sens si lasse... Aurais tu une solution, toi le passant ?"
L'homme ne pipa mot. Les bras ballants, il ne put que constater son impuissance, puis finit tout de même par dire :
"Je ne sais... "
Mais, soudainement, il prit conscience de la lourdeur étrange de son baluchon. Rapidement, il en défit les nœuds. S'échappèrent alors tous les rêves qu'il avait formulés, les chants d'oiseaux qui l'avaient bercé, le parfum des fleurs qui avait rempli son cœur d'espérance, les rires joyeux des enfants innocents qui réjouissaient l'âme des badauds, les nuits étoilées qui élevaient l'homme jusqu'aux cieux.
"Regarde !" dit-il à la femme éperdue de reconnaissance, "la beauté nous sauvera !"
Et c'est ce qu'il advint, car nul n'oublie jamais d'où il vient.
COMMENTAIRE
Je me suis "inspirée" du conte que j'ai donné en direct lors de la conférence du mois d'octobre 2019 au GNOMA à Paris. Bien évidemment, vous avez compris qu'il y a un sens caché et la phrase la plus importante du message est "Je ne sais..." Il en découle toute la solution finale... Mais je vous laisse deviner... Tout de même, deux indices : que représente le baluchon ? Le puits ?
Pour vous allécher en attendant mon ouvrage, quelques indiscrétions :
Vous saurez pourquoi il vaut mieux manger du pain que croiser un serpent, vous saurez enfin pourquoi la conception ne peut être qu'immaculée et où se trouve exactement la Lumière et pourquoi il est si important de s'aimer, vous apprendrez en deux lettres et trois mouvements la différence fondamentale entre les trois religions du Livre, vous apprendrez mathématiquement ce qu'est la Pierre Philosophale, vous saurez enfin qui est vraiment Marie Madeleine etc, etc... Un peu de patience !!!
GIVERNY, jardins de Monet (Photo de l'auteure)