En une seule nuit, tout était devenu immobile. Le temps paraissait figé, recroquevillé par un froid glacial et un vent ténébreux. Pourtant, au petit matin, une femme sortit de chez elle, chaudement emmitouflée. Elle aimait par-dessus tout, cet air vivifiant qui pénétrait chaque fibre de son être. Un silence surnaturel flottait dans l'air et on n'entendait plus que les pas de la promeneuse crisser sur la neige.
Toutes les aspérités et tous les écueils du chemin étaient effacés et la femme avançait avec confiance, ne redoutant aucun danger.
De temps en temps, elle scrutait l'horizon et son regard s'attardait longuement sur les cimes des arbres espérant un signe, un léger tressaillement. Mais où étaient donc passés les oiseaux ? songeait-elle. Le froid les avait chassés vers de lointaines terres mais, parfois, on pouvait entendre encore de faibles pépiements. Alors, inquiète, et ignorant le froid mordant, la femme partait à la recherche d'un malheureux volatile égaré.
Mais, ce jour là, tout demeurait désespérément vide. Autrefois, dans l'effervescence du printemps, les oisillons réclamaient la becquée et la forêt s'emplissait, alors, de chants joyeux. C'était un ballet incessant dont jamais la femme ne se lassait. La nature explosait d'une vie nouvelle et annonçait, par sa magnificence, des étés réjouissants. Sur les mousses vertes, régulièrement, elle recueillait, dans la paume de ses mains, quelques plumes immaculées. C'était, pour elle, la promesse d'un éternel retour. Et combien ce spectacle enchanteur lui manquait !
Mais où étaient donc passés les oiseaux ? Pas le moindre bruissement, rien que le chuchotement du vent à travers les frondaisons. Derrière elle, une branche craqua : la femme se retourna vivement. Mais seul son souffle fit écho, traçant des volutes argentées dans l'atmosphère glacée.
La solitude devenant de plus en plus pesante, la femme décida de retourner dans la douce chaleur de sa maison. Malgré tout, son pas demeurait léger et elle continua de guetter le moindre mouvement, preuve d'une présence, aussi imperceptible soit-elle. Et c'est alors qu'elle les aperçut : de légères empreintes de pattes d'oiseaux qui dessinaient sur la neige fraîche un splendide entrelas.
Mais où étaient donc passés les oiseaux ? songea t-elle à nouveau. Ils devaient être si près qu'on pouvait presque deviner leurs contours à travers les funestes ombres de l'hiver. Mais elle avait beau les chercher de toutes parts et laisser son regard errer à travers l'immensité de la plaine, rien, hormis une folle espérance.
Alors qu'elle hâtait le pas, surgie de nulle part, échoua à ses pieds une délicate plume blanche. Si blanche qu'on pouvait presque la confondre avec la neige. Posée à même le sol, elle paraissait si fragile et si irréelle ! Se baissant avec lenteur, la femme la ramassa avec un infini respect. D'où venait -elle ? Quel vent opportun l'avait poussée jusqu'à elle, lui réchauffant à tout jamais le coeur et l'âme ? Seul l'Univers avait la réponse...
En contemplant la plume, la femme contempla aussi toutes les attentes de la vie. La danse fulgurante des saisons où la sève printanière se mêle à l'or de l'été et au rouge sang de l'automne. Pour elle, plus jamais il n'y aurait d'hiver, car venu d'un espace infini un Dieu plein d'amour lui avait répondu...
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une personne qui vit au Québec et a toujours été en quête de spiritualité. Les oiseaux sont les symboles des signes divins que l'on espère recevoir quand on est sur son chemin d'évolution. Pour mieux les percevoir, il faut "faire le vide", loin de toute agitation mentale.
Retourner chez soi, c'est aussi opérer un nécessaire "retournement " qui permet de passer de la vue à la vision. La neige recouvre "l'ancien" et permet le "renouveau", la régénérescence qui favorise l'unité corps-âme-esprit.
RUSSIE, datcha de Vlad (Photo de l'auteure).