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Un homme, autrefois, vivait au fin fond d'une forêt. Il menait une existence paisible, se contentant de ce que la nature lui procurait. Cependant, il y avait une ombre à ce tableau idyllique : son épouse était d'une nature revêche, acariâtre, récriminant sans cesse à propos de tout ou de rien. Le malheureux supportait sa misérable condition, sans jamais se plaindre.
Or, voilà qu'un jour, la mégère, au vu du garde-manger désespérément vide, ordonna à son époux d'aller à la chasse, afin de remplir dignement leurs estomacs. Sans rechigner, il partit aussitôt avec son arc et ses flèches. Il espérait rapporter dans sa besace un gibier bien gras et bien dodu. Mais, soudainement, au détour d'un sentier, il se retrouva nez à nez avec une biche. Il visa la tête mais le regard implorant de la bête, arrêta illico son geste. Au moment où il baissa son arme, un événement extraordinaire se produisit : l'animal apeuré se transforma en une femme d'une laideur repoussante ! "Voilà ma veine, pensa l'homme, fort dépité. Dans les contes de mon enfance, c'est une princesse qui apparaît..."
Néanmoins, lorsque l'étrange créature commença à parler, il l'écouta avec un vif intérêt :
"Je suis sorcière et une malédiction pèse sur moi depuis plusieurs siècles. Pour être délivrée de ce funeste sort, il fallait qu'un noble gentilhomme m'épargne. Et vous voilà... Demandez-moi ce que voulez, je vous l'accorderai."
Flatté, le chasseur déclama son histoire, espérant une solution heureuse à tous ses problèmes. Elle ne tarda point. La vieille femme lui offrit une chèvre à l'aspect famélique, "source d'une grande richesse" ajouta t-elle avec conviction. L'homme ne pipa mot, mais doutait de la réalité de cette affirmation.
Quand sa compagne le vit arriver en si pitoyable escorte, elle commença, à son habitude, par geindre et gémir. Mais, bien vite, tous deux se rendirent compte de leur erreur. La bête donnait du lait à foison, bien plus, même, que dix vaches aux mamelles généreuses. Malheureusement, ils se lassèrent vite de ce breuvage quotidien. Alors, la dulcinée renvoya son mari sur les sentiers, à la recherche de denrées moins monotones.
Le brave homme revint rapidement avec, dans les bras, une poule que la sorcière lui avait confiée, l'assurant de son excellente qualité. Pourtant, au vu de son état pitoyable, le doute était permis : le cou déplumé, le bec cassé, une patte plus courte que l'autre et les ailes atrophiées. Un triste tableau, en vérité... Cependant, elle fit preuve d'une remarquable productivité. Elle, seule, officiait comme toute une armée de pondeuses et le couple put se gaver d’œufs bien frais. Le dégoût finit par arriver et le chasseur se retrouva, à nouveau, sur les routes, à la recherche d'une nouvelle fortune.
Les deux comparses crurent qu'elle était enfin arrivée, la magicienne ayant confié à son sauveur une pièce d'or d'excellente qualité. Ils s'attendaient à un miracle qui verrait les écus se multiplier à l'infini. Mais que nenni. De rage, la matrone chassa son époux, qui ne s'offusqua nullement de ce nouvel outrage.
Il le savait, sa bienfaitrice l'accueillerait avec empressement. Et ce fut le cas. Mais à la place d'une infâme sorcière, ce fut une exquise beauté qui lui ouvrit la porte. L'homme avait su passer toutes les étapes de son initiation, avec sagesse et simplicité. Dès lors, n'avait-il pas droit à la véritable abondance ? Celle de l'amour partagé ?
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné il y a longtemps et, je suis désolée, je ne me souviens plus pour qui et dans quel but. Néanmoins, j'ai décidé de le poster grâce à son humour et son optimisme. Bref, un petit cadeau de Noël...
PISTE DE REFLEXION
Peut-on considérer que la mégère et la sorcière sont les deux facettes opposées du chasseur ? Comment faire pour que la transformation réussisse ? Et que l'homme retrouve son unité ?
KANSAS CITY, fête de Thanksgiving (Photo de l'auteure ).