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Autrefois, un Roi était atteint d'un mal étrange. Il ne supportait pas le chant des oiseaux. Pour tenter de remédier à ce problème quasi incurable, il décida de se rendre sur une île déserte.
Mal lui en prit car, si cette île n'abritait pas le moindre humain, elle foisonnait, en revanche, de milliers d'animaux qui jacassaient, piaillaient, caquetaient et sifflaient à longueur de journée. Le Roi, dépité par cette mauvaise expérience, retourna, la mort dans l'âme, dans son palais. Malheureusement, son aversion avait empiré et le chant, pourtant mélodieux des rossignols, les trilles joyeuses des pinsons, les roucoulades des tourterelles, étaient devenus pour lui une source inépuisable de souffrance.
Désespéré, il alla se réfugier au fin fond d'un monastère. Il espérait trouver, en ce lieu retiré, silence et paix. Mais les oiseaux se moquent bien des murailles, aussi hautes soient elles. Ils voletaient gaiement de ci, de là, narguant avec leurs airs enjoués le malheureux Souverain, désemparé et impuissant.
En tant que Roi, le Roi pouvait tout exiger. Il fit donc construire une embarcation parfaitement étanche, qui lui permettrait de rejoindre les abysses de l'océan. Là, il était certain que les misérables volatiles ne pourraient le suivre dans son ultime refuge.
Effectivement, il put enfin goûter au calme tant espéré. Cependant, celui-ci fut de courte durée. Le silence était oppressant et il manquait à ce captif volontaire, la plainte du vent dans les arbres, le chuintement de la rivière à travers la prairie, le bourdonnement des abeilles dans l'air immobile.
Et ce qui, par dessus tout, plongeait le prisonnier dans une profonde nostalgie, c'était de ne plus sentir le parfum délicat des fleurs au printemps, de ne plus entendre le rire espiègle de ses enfants et, surtout, de ne plus pouvoir étreindre sa bien aimée.
Alors, le Roi, sortant de son obscurité, décida enfin de vivre parmi les hommes.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une femme qui vivait difficilement la dualité de notre condition humaine. Or, on ne peut prendre uniquement ce qui nous convient, en rejetant tout ce qui nous dérange. Notre paradoxe nous oblige à accepter la totalité de nos expériences, sous peine de revenir sur terre à l'infini.
PISTE DE REFLEXION
Je suppose que vous avez deviné qui est ce Roi ? Pourquoi agit-il ainsi ? De quelle obscurité sort-il ? Quelle est la conséquence de vivre parmi les hommes ?
CHICAGO Huile sur toile (Photo de l'auteure).