Après le dur labeur de leur journée, de petits moines tibétains avaient droit à un peu de récréation. Aussi forts soient-ils dans les jeux de l’esprit et de la connaissance, au moment de jouer, ils redevenaient de simples enfants. Leur jeu favori était de faire s’envoler des cerfs-volants. Malheureusement, ils étaient malhabiles dans cet exercice et leur technique laissait à désirer, car à chaque tentative, les cerfs-volants retombaient avec fracas sur le sol. La voile parfois se déchirait, d’autres fois, la corde était trop courte ou parfois l’armature était trop lourde. Ces échecs répétés provoquaient beaucoup de disputes parmi eux.
Or, il advint qu’une jeune fille vint à passer dans la montagne. Elle était juste là pour surveiller son troupeau et en voyant les vaines espérances de cette troupe de moinillons, elle s’en amusa dans un premier temps, puis finit par les trouver stupides et exaspérants. N’y tenant plus, elle décida de remédier au problème et s’avançant vers eux avec témérité, emprunta un des cerfs-volants. Aussitôt, elle répara les dommages, équilibra la voilure et, tel un aigle majestueux, il décolla du sol et dessina d’amples arabesques au-dessus de la tête des enfants, interloqués.
« Comment as-tu fait ? déclarèrent-ils, en choeur. Après tout, tu n’es qu’une gardienne de bétail et tu ne connais rien aux mystères de la science ». Sans se démonter, la jeune fille rétorqua : « Je n’ai, certes, pas votre savoir mais j’ai souvent regardé la course des nuages, j’ai admiré sans cesse le vol des oiseaux et j’ai goûté infiniment la beauté du ciel. Ainsi, mes yeux se sont ouverts et j’ai compris qu’il ne fallait rien forcer mais laisser libre cours à la vie. C’est votre cerf-volant qui décidera de s’envoler et c’est lui qui guidera vos gestes. Si vous n’exercez plus votre seule volonté, vous serez toujours assurés de réussir. »
Caché derrière un petit mont, un maître avait tout entendu de cet échange. Il sourit intérieurement car il venait d’entendre des paroles justes et sages. Il espérait que les petits moines retiendraient la leçon et ce fut effectivement le cas. Quant à la jeune bergère, elle continua simplement de s’émerveiller car, là, réside le secret de la connaissance.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une personne qui devait apprendre à faire la distinction entre le savoir et la connaissance. Le savoir est une science et la connaissance est un art. La connaissance s'acquiert par le coeur ("l'émerveillement") et le savoir par la raison ("mystères de la science").
VIETNAM HCMC (Photo de l'auteure).