Un tailleur de pierres aimait par-dessus tout son travail et était apprécié et reconnu de tous. Il oeuvrait pour le bien commun avec conscience et ne recherchait point les vains honneurs.
Or, il advint qu’un jour, un Prince vint le voir. Son projet était grandiose et il avait besoin des lumières d’un homme avisé pour pouvoir le mener à bien. Voilà ce qu’il lui déclara : « J’ai eu connaissance de ton talent et j‘ai envie de le mettre à profit. Pour le plus grand renom du royaume, j’ai fait le voeu d’ériger une immense cathédrale. Je ne doute point de toi, certes, mais je voudrais tout de même t’éprouver. Serais-tu capable de créer un objet en pierre capable d’emporter mon adhésion ? Ainsi, ma confiance te serait assurée. »
Le modeste artisan accepta sans broncher et jura, que dès le lendemain, il se mettrait au travail. Le Prince, satisfait, rêvait à l’avance de sa glorieuse réalisation. Il n’eut pas à attendre longtemps car le tailleur de pierres exécuta rapidement l’ouvrage commandé. Prenant un bâton et une simple besace, il se rendit d’un bon pas vers le palais princier.
Le Prince l’attendait fiévreusement et pressa son visiteur de lui montrer son oeuvre. Grande fut sa consternation ! En effet, dans sa main, une simple sphère. Elle était d’une grande sobriété et n’avait aucun ornement ou dessin. Elle était simplement lisse et polie à la perfection. Aussitôt il s’exclama : « Tu as fait tout ce chemin pour un si piètre résultat ! » Mais l’homme rétorqua : « Prenez-la dans vos mains et jugez par vous-même. »
Malgré que cette sphère soit taillée dans le granit le plus pur, elle était d’une étonnante légèreté. La soupesant, il considéra que son poids était celui d’une plume. Comment se pouvait un tel prodige ? Le tailleur avait simplement évidé la pierre mais, étonnamment, sur toute sa surface, on ne remarquait pas la moindre entaille ou encoche.
Songeur, le Monarque déclara : « Tu as fait un travail remarquable mon ami. Cependant au vu de cet aboutissement, je m’interroge sur le bien-fondé de mon projet. Une cathédrale est-elle nécessaire à la réalisation de l’être humain ? Je viens de saisir le sens de toute cette affaire : à l’image de cette sphère, nous devons être solides à l’extérieur pour affronter la vie mais légers à l’intérieur, pour élever nos âmes vers Dieu. Tu m’as donné une grande leçon spirituelle et en cela je te remercie, mon frère. »
Humblement, le tailleur se retira et continua son oeuvre qui, il faut bien le dire, valait bien une cathédrale.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une personne remarquable qui a bien compris que tout se passe à l'intérieur de soi et qu'il ne faut guère ériger des temples à sa propre gloire. Que dire de plus ? Rien, simplement lisez attentivement la fin du conte. Celui-ci pourrait s'adresser aussi à tous les rois qui nous gouvernent aujourd'hui, et qui ne possèdent plus la sagesse d'un simple ouvrier (dans le sens de "oeuvre alchimique").
CULTE CAO DAÏ (photo de l'auteure)