Un jour, un Roi entendit parler d’une ceinture extraordinaire qui donnait, à celui qui la portait, l’invisibilité.
Il se réjouit d’entendre une si bonne nouvelle, et dans son for intérieur, se mit à la convoiter ardemment, pour tous les pouvoirs qu’elle était susceptible de lui donner. Peu lui importait qu’il faille traverser des montagnes infranchissables ou affronter des mers déchaînées. Si intense était son désir, que rien n’aurait pu le dissuader.
Il se mit prestement en route et, heureusement pour lui, le voyage fut sans encombre. Le roi vit là un signe de la légitimité de sa décision.
Un soir pourtant, fourbu et las, il demanda l’asile dans un château sans prétention et de bonne apparence. Le maître des lieux était d’une grande générosité et accueillit avec joie le Monarque et toute sa troupe.
Or, le châtelain avait pour unique enfant, une fille d’une grande beauté et évidemment, arriva ce qui devait arriver… Le Roi en tomba éperdument amoureux. Il connut alors les affres de la folie et de la déraison, parce que, pas une seule fois, la jeune enfant ne lui adressa un sourire ou un regard.
Le malheureux commençait à dépérir et, espérant toujours un revirement en sa faveur, décida de prolonger son séjour. Il en oublia même complètement l’objet de sa quête.
Le père prit rapidement conscience de la situation et, voulant en dénouer les fils, décida de parler sans détours à son royal invité :
« Il me souvient que vous avez entrepris un étrange voyage. Sans vouloir vous offenser, pouvez-vous m’en rappeler le but ? »
« Je suis parti à la recherche de la ceinture d’invisibilité » répondit le Roi, d’une voix atone.
« Ne l’avez-vous pas déjà trouvée ? »
« Qu’entendez-vous par là ? »
« Que représentez-vous pour celle que vous aimez et qui n’éprouve pour vous qu’indifférence ? A ses yeux, n’avez-vous pas toujours été… INVISIBLE ? »
A l’énoncé de cette cruelle vérité, le fier Monarque perdit de sa superbe et comprenant l’amère mais salutaire leçon, retourna en son royaume définitivement guéri.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une thérapeute qui suivait une formation avec Marie Lise Labonté sur les "cuirasses corporelles". Je ne saurais vous dire exactement ce dont il s'agit. Mais à l'évidence, ce message a été parfaitement compris ! En effet, le thème de la ceinture est récurrent dans toutes les traditions. Au niveau de la taille, elle coupe l'homme en deux et, de ce fait, il ne se trouve plus relié ni au ciel ni à la terre. Le ventre est aussi le siège des émotions et des passions que l'on doit apprendre à maîtriser. Est-ce pour cette raison que, plus on s'élève dans la hiérarchie spirituelle, et moins on est "ceinturé"? Sauf la Vierge Marie qu porte une ceinture bleue, couleur du ciel. A méditer...
DELTA DU MEKONG (Photo de l'auteure)