Autour de lui régnait une profonde désolation : plus un arbre debout, plus un seul havre de paix. La terre avait pris un aspect lunaire où la couleur dominante était le gris.
Gris l'horizon. Gris le froid mordant qui engourdissait les membres. Gris les regards vides. Gris les coeurs blessés. Grise la peur. Grise la mort. Et par dessus tout, gris le désespoir.
Le jeune soldat vivait depuis si longtemps dans la boue des tranchées, envahies par l’odeur fétide des cadavres, rongées par la vermine, qu’il avait fini par oublier le bleu du ciel, le vert des prairies, le rouge des baisers et l’or de l’amour. Il était parti au combat le coeur en fête, mais un à un ses amis avaient péri et bientôt, il s’était retrouvé seul. Pourtant, le courage ne l’avait pas fui et il continuait de monter à l’assaut, en poussant des cris terrifiants.
Mais, petit à petit, une idée commença à germer en lui. Au début, ce n’était qu’une pensée fugace, un éclair joyeux qui dansait devant ses yeux. Mais la vision devint de plus en plus persistante et l’aida à accepter sa terrible condition. Et un jour, elle devint réalité.
Elle l'attendait, petite lumière qui avait surgi entre deux rangs de barbelés. Pour la première fois, il oublia sa peur et sut qu’il devait à tout prix la retrouver. Il rampa à même le sol et autour de lui, les balles sifflaient, les obus tombaient dans un fracas terrible. Mais il n’en avait cure : elle était là, petite présence fragile, pour le guider.
Il s’approcha si près d’elle qu’il pouvait en sentir les effluves enivrantes. Bientôt, il put même la caresser et la prendre dans la paume de sa main. Une douce émotion l’envahit et, comme le petit garçon qu’il était encore, il refoula ses larmes.
C’était une fleur. Blanche comme l’espérance et sa couleur virginale lui avait fait, pour un instant, oublier tout le gris environnant.
Au moment où un projectile l’atteignit en pleine poitrine, le jeune soldat aspirait avec délice un parfum de fleur à peine éclose. Et dans ce monde rempli de laideur, il s’endormit, emportant avec lui la beauté du monde.
COMMENTAIRE
Ce conte achève le cycle familial puisqu'il a été adressé à mon fils. On le prévient que, dans la bataille de la vie, il ne faut pas perdre l'essentiel : continuer de s'émerveiiler malgré tout.
PISTE DE REFLEXION
Au niveau individuel et personnel, quelle est la chose essentielle que vous ne voudriez absolument pas perdre ?
Remise de diplôme d'ingénieur de mon fils (Photo de l'auteure)
PS : Suite à un dysfonctionnement de l'hébergeur, vous risquez de recevoir plusieurs alertes en même temps. Je m'en excuse d'avance..