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Autrefois vivait dans un palais une merveilleuse princesse. Non seulement, elle possédait beaucoup d’atouts physiques, mais en plus, elle avait une voix mélodieuse et une vive intelligence. Les Dieux s’étaient certainement penchés avec amour sur son berceau.
Pourtant, malgré sa condition plus que satisfaisante, la jeune fille se morfondait et errait dans les couloirs de château telle une âme en peine. Rien ne pouvait la consoler ni même l’amuser : ni bouffons, ni ménestrels, ni prétendants (et ils étaient nombreux !) n’arrivaient à la sortir de sa mélancolie.
Au demeurant, la demoiselle était fort coquette et passait un temps infini à sa toilette. Mais l’image que se reflétait dans le miroir la plongeait encore plus dans le désespoir. Ses soupirants lui susurraient à l’oreille des mots doux, louant son regard de velours, son teint de porcelaine ou sa bouche menue. Mais, elle, feignait de ne rien entendre. A dire vrai, elle espérait depuis longtemps qu’un beau troubadour ravisse son coeur mais pour l’heure, il tardait à se présenter.
Or, voilà qu’un jour, alors qu’elle baguenaudait dans la campagne, elle tomba nez à nez avec un berger. Malgré la modestie de sa mise, il avait belle tournure et mine agréable. Aussitôt, la princesse succomba mais le tourtereau n’était pas prêt à se faire plumer et son regard ne se détourna point de la plaine où broutaient ses chèvres. La malheureuse eut beau minauder, prendre des poses langoureuses, rien n’y fit.
Le lendemain matin, dès l’aube, la belle retourna voir le jouvenceau mais ce dernier ne montra pas une once d’intérêt. Fort courroucée, la donzelle commença à trouver le jeu cruel et, finalement, s’adressa au jeune homme en des termes vifs :
« Votre attitude dédaigneuse a assez duré, il me semble. Savez-vous combien de chevaliers sont partis guerroyer en échange d’un de mes sourires ? Continuez ainsi et vous paierez de votre vie votre irrespect. »
Le berger ne s’affola point et d’un air détaché déclara :
« Quand vous serez enfin vous-même, je vous regarderai. »
Longtemps, la jeune fille s’interrogea sur le sens énigmatique de cette phrase mais, petit à petit, elle se dépouilla de tous ses ornements inutiles, ôta les bagues de ses doigts et les colliers de son cou. Elle ne farda plus son visage et ne rougit plus ses lèvres. Pour finir, elle enleva le voile qui cachait sa lourde chevelure et se vêtit d’une simple robe blanche.
C’est dans cette tenue sobre et sans apprêt, qu’elle se présenta devant son bien-aimé. Celui-ci l’attendait et, la serrant sur sa poitrine, lui dit :
« Maintenant, je te reconnais. Suis-moi, ma mie, nous avons un long chemin à parcourir ensemble. »
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à ma fille, à une époque où elle cherchait sa voie mais aussi l'amour ! On peut dire qu'elle a trouvé les deux, mais ce ne fut pas sans difficulté. Pour ma part, ce que j'ai pu comprendre de l'existence, c'est qu'ici-bas rien ne se donne mais tout se gagne. Et le plus souvent, au prix élevé du dépouillement et du détachement.
PISTE DE REFLEXION
Pourquoi le jeune berger passe-t-il soudainement du vouvoiement au tutoiement ? Qu’est-il arrivé entre temps ? Est-il nécessaire de se dépouiller pour être reconnu et aimé ? Mais de qui et dans quel but ?
Photo mariage Solène et Tom. KANSAS CITY (Photo de l'auteure).