/image%2F1067705%2F20140618%2Fob_e5a1dd_20140430-001644-2.jpg)
Un Prince, autrefois, se promenait dans une forêt profonde et ténébreuse. Au détour d’un chemin, il se retrouva nez à nez avec une biche. L’animal, effrayé, disparut aussitôt à la vue du chasseur mais, juché sur son cheval, celui-ci n’eut aucun mal à la rattraper.
Au moment, où une flèche d’or atteignit, entre les deux yeux, la malheureuse bête, le cavalier entendit distinctement : « Malheureux qu’as-tu fait ? Sois maudit ainsi que toute ta descendance ! ». Sur ce, la biche, dans un râle, rendit son dernier soupir.
Agité par de terribles pensées, le Prince retourna dans son palais mais le trouble habitait désormais son cœur. Lui, l’habile chasseur, le guerrier intrépide, connaissait la peur, pour la première fois de sa vie. Il savait que la malédiction prononcée à son encontre était bien réelle et non le produit de son mental. Et c’est pour cela que son inquiétude grandissait. Il ne pouvait ôter de son esprit la vision du cadavre de l’animal, abandonné à même le sol. Il avait repris, avant de quitter la forêt, sa flèche d’or et elle était encore au fond de son carquois ensanglanté. A force d’évoquer son geste irréparable, il finit par perdre l’envie de vivre.
Bientôt le funeste présage révéla son bien-fondé et dans le Royaume régnèrent les froides ténèbres de la mort, de la peste et de la détestation. Le Prince connaissait le coupable de tant d’infamies et se demandait comment réparer son erreur. Il consulta des sages, des sorciers et des guérisseurs mais tous le regardaient avec effroi, ne sachant ni quelle solution lui apporter, ni quel voie de salut lui conseiller. Ils ne pouvaient que confirmer le châtiment proféré contre lui et sa famille. Alors, le malheureux s’enfonça de plus en plus dans l’obscurité, entraînant dans sa chute, tout son peuple.
Un jour pourtant, alors qu’il longeait la rivière, il se retrouva dans le même lieu qui avait vu la naissance de sa condamnation. La biche avait été dévorée par une multitude d’insectes et d’oiseaux et il ne restait d’elle que des os blanchis par le soleil. Ainsi, le Prince ne pouvait que constater les dégâts que sa folie avait occasionnés. Cependant, il finit par comprendre quel parti il pouvait tirer de toute cette malencontreuse affaire. Et obtenir enfin le pardon.
Avec compassion, il rassembla dans un grand sac les restes épars de la bête et les ramena dans son palais. Honneurs lui furent rendus et, cérémonieusement, on enterra la biche dans l’enclos sacrée du jardin royal.
Bientôt, apparurent dans la terre fraîchement remuée de la tombe, d’innombrables fleurs nées des ossements blanchis de l’animal. Elles étaient le renouveau de la vie, faites de lumière et de cristal le plus pur. Le Prince sut aussitôt comment agir : les rassembler et les distribuer autour de lui. C’est alors que le malade put guérir, que l’affamé fut rassasié et que le tourmenté retrouva le goût de la vie.
De toute cette histoire, il finit par tirer la plus noble des conclusions : du malheur que l’on s’est soi-même forgé, on peut engendrer sa propre renaissance. La Nature est si parfaite que de la faute ou de l’épreuve, on peut trouver matière à transcendance. En acceptant de regarder son ombre, le Prince avait transformé sa putréfaction intérieure en outil de guérison. Au final, tous ces fléaux n’étaient qu’un prétexte pour lui permettre de trouver le chemin ultime de la rédemption.
Et pour que l’humanité ne s’égare plus jamais, tous les Princes de ce monde ne devraient-ils pas descendre de leur cheval et tirer des flèches d’or vers le Ciel ?
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à un groupe de personnes qui s'inquiétait de l'état du monde. A n'en pas douter, l'humanité a un gros travail à fournir pour "descendre du cheval" et "tirer une flèche d'or vers le Ciel"...
PISTE DE REFLEXION
Que représente justement le cheval ? Le Prince ? La biche ? Pourquoi les os doivent-ils blanchir au soleil ? Et pourquoi se transforment-ils en cristal ?
UNIVERSITE CHICAGO (photo de l'auteure)