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C'est l'histoire d'une infortune. Celle d'un oiseau qui, au moment de l'automne, voyait ses semblables migrer vers des cieux plus cléments. Ah ! Combien il rêvait de survoler les océans et de rejoindre le soleil en son zénith ! Malheureusement, à la place des ailes, il avait sur le dos, deux moignons qui le contraignaient à vivre parmi les fougères et à ne jamais voir la splendeur des horizons lointains.
Pourtant, malgré la dureté de sa condition jamais il ne se plaignait ou maudissait son sort. L'hiver venu, il trouvait refuge près des maisons où on lui donnait à foison, chaleur et réconfort.
Au printemps, ses compagnons revenaient et lui chantaient la beauté des mondes traversés : les mers immenses, les montagnes étincelantes, les prairies ondoyantes et les forêts sans fin. A ces images, son cœur bondissait de joie et pour cette raison, il ne s'émouvait jamais de sa triste destinée.
Or, voilà qu'un jour, un enfant vint à passer. Il avait, dans sa besace un lance pierres qui faisait sa fierté, puisqu'il l'avait fabriqué de ses propres mains. Le jeune garçon était habile, ingénieux, plein d'une sève nouvelle mais aucune de ces qualités n'était reconnue et de fait, il se retrouvait souvent seul.
Son exutoire était la nature toute entière et il aimait arpenter les routes de sa contrée, l'explorant dans ses moindres recoins. Au détour d'un chemin, il se retrouva nez à nez avec le malheureux volatile qui ne bougea pas plus qu'une pierre, et pour cause...
L'enfant sortit alors de son sac son arme redoutable, mais quelque chose dans l'attitude de l'animal retint son geste. Doucement, il se rapprocha et comprit aussitôt la raison de son immobilité. "Ah ! pensa t-il, que la vie a été cruelle avec toi mon pauvre ami ! Certes, je veux bien remporter une victoire dont tu seras le trophée, mais l'obtenir sur plus faible que moi, mon honneur en souffrirait !"
Soudainement, un phénomène étrange se passa. La rencontre de deux âmes sans doute, entre le fin chasseur et l'oiseau disgracié. Le jeune garçon, d'une voix émue, déclara :
"Je connais tes rêves, ce sont les miens. Jamais tu ne pourras m'aider à les réaliser. Par contre, moi, je peux faire quelque chose pour toi, Le veux-tu ?"
Sans attendre la réponse, l'enfant ouvrit sa besace et posa délicatement son nouvel ami à l'intérieur. Dans cet étrange équipage, ils commencèrent l'ascension d'un chêne séculaire. Arrivés dans la frondaison, l'oiseau, de son œil vif, parcourut toute l'immensité du panorama qui s'offrait à lui, pour la première fois. Ah ! Quelle merveilleuse récompense !
"Veux-tu aller encore plus haut ?" Et réjouis, les deux compagnons grimpèrent aussitôt une colline, qui surplombait toute une verte prairie piquée de fleurs.
"Encore plus haut ?" Et les deux compères se retrouvèrent au sommet d'une montagne escarpée, où brillaient des neiges éternelles. Ils retinrent leur souffle tant le spectacle était grandiose !
Mais soudain un prodige : un mouvement intempestif dans son dos alerta l'enfant. Il se retourna vivement et sortant du sac, un aigle immense, aux ailes largement déployées, apparut. L'oiseau majestueux regarda le soleil à l'horizon, tourna sa tête une dernière fois vers son ami retrouvé et disparut en poussant un cri d'allégresse.
Le cœur du garçon se serra, mais de joie. Son rêve venait lui aussi de se réaliser. La Lumière brillant désormais en lui, plus jamais il ne serait seul au monde.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à un adolescent qui n'arrivait pas à exprimer ses désirs profonds et avait bien du mal à croire en lui. Ce message a agi sur lui comme une catharsis et il est devenu aujourd'hui un brillant artiste.
PISTE DE REFLEXION
Peut-on dire que l'oiseau et l'enfant ne forment qu'une seule et même entité ? Quel est, dans ce conte, le déclencheur de la réalisation du Soi ?
CHICAGO (photo de l'auteure)