Une petite fille avait au fond de son cœur un rêve secret. A plus d'un, il aurait paru déraisonnable, mais elle, ne se décourageait point. Son désir, pourtant, était de posséder la lune. Posséder, n'est pas le terme qui convient exactement, elle espérait, plus précisément, tenir l'astre nocturne dans ses bras pour le bercer comme ferait une mère.
Un jour, elle crut fermement que son souhait allait pouvoir enfin se réaliser. Au fond du puits où elle allait chercher de l'eau, la lune se reflétait. L'innocente enfant pensa qu'il suffisait de faire descendre le seau pour la cueillir, telle une fleur. Avec ardeur, elle se hâta de faire jouer la corde et de remonter le tout. A l'intérieur du récipient, se dit-elle, l'astre devait être emprisonné. Quelle déception quand elle vit qu'elle n'avait ramené que de l'eau !
La nuit suivante retrouva la petite fille, le nez en l'air, à guetter la venue de la lune. Dans un lac, un pâle reflet argenté se mouvait. Il n'en fallut pas plus à l'intrépide enfant pour qu'elle se jette la tête la première dans l'onde glacée. Elle voyait enfin l'aboutissement de sa quête, mais là, encore une fois, ce ne fut qu'amère désillusion. L'astre irisé fuyait, disparaissait dans les roseaux, s'échouait sur la rive, puis dansait au milieu des eaux tel un poisson ailé. Epuisée, la malheureuse renonça.
Les jours passèrent et la petite fille devint une grande personne qui, parfois, tournait encore son regard vers le ciel étoilé. Un soir, l'air était doux et un croissant lumineux brillait sur la voûte bleutée de la nuit. Les deux pointes de la lune faisaient comme deux bras ouverts sur l'immensité. Cette vision ramena la femme à une époque lointaine où sa mère tendait vers elle ses paumes largement offertes.
Temps révolu, enfoui à jamais mais cette nostalgie réveilla en elle le désir ardent, non pas de posséder la lune, mais d'être serrée sur un cœur aimant. Toute sa vie, elle n'avait pas eu d'autre but que de retrouver cet amour perdu. Et l'ayant enfin compris, la petite fille, libérée, pleura.
COMMENTAIRE
La danse de la lune c'est aussi la danse de vie de ma... mère, car ce conte lui était destiné. Enfant, elle n'avait pas reçu d'affection maternelle et tout au long de son existence, elle a tenté de combler ce manque. A t-elle réussi maintenant qu'elle est passée de "l'autre côté du miroir" ? Elle seule a la réponse...
PISTE DE REFLEXION
Au-delà du symbole maternel, que représente la lune ? Et pourquoi faut-il un croissant lunaire (et non pas une pleine lune) pour que la femme ouvre enfin sa conscience ?
SAMARCANDE (photo de l'auteure)