Il était une fois, un boulanger, aussi bon et généreux que la pâte dont il faisait son pain. Un jour, un singulier personnage vint le voir et lui passa une commande aussi précise qu’étonnante :
« Je voudrais, dit-il, un pain à l’armoise et aux graines de pavot puis un pain à l’épine-vinette et aux fleurs de lavande. En plus, un pain aux baies de sureau et à l’essence de mandragore et, pour terminer, un pain à la vesce de loup et aux graines de lin. Ma commande devra être livrée, demain dès l’aube, en mon château. Bien évidemment, je ne tolérerai aucun retard. »
L’homme était mystérieux et, sans doute un peu sorcier, mais le bon boulanger ne s’offusqua pas de son étrange demande et avait à coeur de l’honorer. Dès les premières lueurs du jour, il apporta la marchandise et le client parut satisfait. Néanmoins, il se mit à compter les pains et vit qu’au lieu de quatre, il y en avait cinq.
« Que signifie cette malencontreuse erreur ? » demanda t-il avec surprise.
« J’ai voulu vous faire goûter une de mes spécialités » répondit en souriant l’aimable boulanger.
Voyant le haussement de sourcils de son interlocuteur, il précisa :
« J’ai fabriqué ce pain avec de la rosée, du sel tiré des larmes de Dieu et de la farine tamisée par mes soins. »
Puis il ajouta :
« Il est bon, dans toute affaire, de ne point oublier la saveur de la simplicité. »
Le châtelain, comprenant la leçon, préféra, plutôt qu’une parole hasardeuse, garder le silence. Et ce n’était pas là, la moindre des vertus puisqu’elle permet, bien souvent, d’éviter les voies tortueuses du mental.
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une homme qui, comme vous l'avez certainement deviné, avait la fâcheuse tendance à couper les cheveux en quatre. Attitude la plus répandue au monde ! Qui donne les résultats que l'on sait...
PISTE DE REFLEXION
Pourquoi faut-il tamiser la farine ? Quelle est la propriété de la rosée ? Pourquoi trois ingrédients dans le dernier pain ? Et quel est donc ce cinquième élément ?
OUZBEKISTAN (photo de l'auteure)