Une belle princesse vivait autrefois au fin fond de la Chine. Elle était heureuse et ne se souciait que de respirer les parfums suaves de la vie. Or, voilà qu’un matin, on la prépara pour ses noces.
Elle fut parée telle une reine, avec des perles fines dans ses longs cheveux d’ébène, une belle robe de soie et d’or, finement brodée d’oiseaux qui s’envolaient dans le vent et on la chaussa de souliers d’écaille et de brume.
La joie, pourtant, l’avait quittée car celui qu’elle devait épouser n’était pas celui qu’elle aimait. En secret, son coeur était épris d’un jeune pêcheur qui vivait au loin, près de l’océan.
Sa façon de jeter le filet dans les vagues l’avait troublée car son geste était vigoureux et gracieux à la fois. Il était d’une grande beauté mais ce n’était pas la beauté superficielle qu’elle rencontrait si souvent entre les murs de son palais, non, c’était celle de l’âme. Aussitôt, elle en tomba amoureuse et cet amour fut aussi foudroyant que réciproque.
Un jour, son bien-aimé courut vers elle et se jetant à ses genoux, voulut lui déclarer encore une fois sa flamme. Mais elle le releva en lui disant : « Cela fait si longtemps que je t’attends. Prends cette perle, jamais elle ne se ternira ». L’amoureux comprit aussitôt que sa belle allait le quitter et son coeur fut noyé par un immense chagrin.
Malgré tout, en chantant son amour perdu, il retourna pêcher au bord de la mer et au fond de son filet il remonta un poisson extraordinaire qui tenait dans sa bouche une perle rouge sang. Il sut alors ce qu’il devait faire.
Gardant sa précieuse trouvaille au fond de la main, il se mit en route en direction du palais de sa bien-aimée. Il frappa à la porte mais les gardes le chassèrent tel un vulgaire rôdeur. Or, ses cris ameutèrent la princesse qui se jeta avec force dans ses bras.
Le pêcheur lui donna alors la perle couleur de sang. Voyant cet étrange présent, elle en comprit instantanément le sens : par ce mariage forcé, elle allait perdre non seulement sa vie mais aussi son essence. Elle se mit à pleurer et lui l’imitant, leurs larmes amères finirent par s’entremêler.
Mais bientôt, voilà qu’elles se transformèrent en diamants étincelants ! L’un et l’autre saisirent aussitôt la portée de cet enchantement et leurs visages redevinrent radieux.
Chacun devait malheureusement reprendre le cours de son destin, mais à chaque fois que le jeune homme regardera la perle offerte par sa belle, en lançant son filet dans l’onde, il la retrouvera. Quant à elle, veillant le soir à sa fenêtre et contemplant la perle rouge sang, elle se rapprochera pour l’éternité de son bien-aimé, car l’amour est toujours plus fort que la mort.
COMMENTAIRE
Je ne peux résister à l’envie de vous raconter une anecdote concernant la jeune femme à qui ce conte est destiné : elle est très belle, une vraie princesse, comédienne de profession et elle devait, à l’époque, travailler pour des agents chinois. De plus, elle tenait dans la célébrissime pièce de théâtre de Shakespeare, le rôle de Juliette ! Ce conte n'est donc pas uniquement symbolique, il colle vraiment à la réalité de la personne.
PISTE DE REFLEXION
De quelle mort s'agit-il ? Les amants doivent-ils nécessairement être séparés pour connaître l'éternité?
VIETNAM (photo de l'auteure)