Près d'une rivière, un paysan avait planté un verger dont l'opulente production attirait bien des oiseaux. Au retour du printemps, tous les fruitiers se couvraient de fleurs odorantes, que la moindre brise dispersait aux quatre coins de l'horizon.
Or, parmi tous ces arbres, il y en avait un qui ne donnait rien : pas de fleurs et encore moins de fruits. Eu égard à cette situation dramatique, le malheureux se sentait bien misérable. Souvent, il éprouvait de la honte et son infortune le taraudait sans que jamais son tourment ne cesse. Mais ce qui le faisait vraiment souffrir c'était son inutilité. Il avait, certes, remarqué que le paysan venait souvent s'asseoir à l'ombre fraîche de sa ramure, mais il ne tirait ni gloire ni honneur de cette prédilection.
Ah ! Combien il admirait ses compagnons qui ployaient sous le poids des fruits gorgés de soleil! Les enfants venaient, en riant, remplir leurs paniers ou leurs bouches gourmandes de délices sucrés, cueillis à même les branches et aussitôt engloutis ! Mais, lui, qu'avait-il à leur offrir sinon sa funeste stérilité ?
Pourtant, l'arbre avait remarqué que, souvent, les enfants, à la fin de la journée, faisaient une ronde autour de son tronc, en chantant des comptines entraînantes. Mais il avait décidé d'ignorer leurs yeux pleins d'étoiles et continuait de se lamenter sur son triste sort.
Il finit par espérer qu'une foudre libératrice viendrait, un jour, l'affranchir de son destin si cruel et le transformer en cendres. C'était sans compter sur les oiseaux, qui l'avaient élu pour abriter leurs nids, d'où jaillissaient à la fois, la vie et l'espérance. L'arbre s'étourdissait, parfois, à la vision de ce ballet incessant de plumes colorées et de trilles joyeuses.
Ce spectacle enchanteur finit par agir sur lui et la vision qu'il avait de lui-même évolua au fil du temps. Il se méprisait moins et entrevoyait petit à petit ses qualités. Quand le vent rugissait, il était le seul à ne pas se courber sous des assauts vengeurs. Et c'était sur son tronc que les amants venaient entrelacer des cœurs, témoins éternels de leur amour.
Les oisillons grandissaient et, un jour, prenaient leur envol à partir de ses branches à la fois souples et robustes. Quelle fierté, alors, naissait au plus profond de lui !
Un jour, il prit conscience de ce qu'il était vraiment. Certes ses fleurs et ses fruits étaient insignifiants mais la sève dont il était pourvu, donnait à tous ceux qui l'approchaient des forces nouvelles. Pour cette raison, il était adoré, admiré, honoré, adulé.
Mais, depuis toujours, n'est-il pas le Roi de la forêt ? N'est-il pas le chêne vigoureux qui peuple nos rêves et nourrit nos légendes ?
COMMENTAIRE
Ce conte a été donné à une femme qui n'avait pas du tout conscience de ses qualités. Elle ne voyait en elle que ses défauts et ne se rendait pas du tout compte de la force qui l'animait. En effet, sa vie était jalonnée d'épreuves mais elle les avait toutes surmontées. N'était-ce pas la preuve de sa valeur ? Le fait de lui raconter cette histoire lui a redonné confiance en elle. Dans un prochain post, je donnerai un deuxième conte la concernant et on pourra voir son évolution...
PISTE DE REFLEXION
N'avons-nous pas tous le même travers de croire les autres meilleurs que nous ? Plus qualifiés ou plus vertueux ? Quelle est la meilleure méthode pour sortir de cette croyance erronée ? Pourquoi le symbole du chêne ?
GARD (Photo de l'auteure).